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Une archéologie des textures

Kévin Donnot, Élise Gay
& Anthony Masure

Cet article prend comme point de départ une vidéo YouTube intitulée « The Most Overused Game Graphic You Never Noticed | Texture Archaeology 11 Voir : http://b-o.fr/texture_archaeology La vidéo comptait 2499774 vues le 9 décembre 2022. » et mise en ligne par Kid Leaves Stoop en mars 2021.

La logique modulaire de la création numérique

Les textures sont des images bitmap plaquées sur des surfaces tridimensionnelles utilisées dans les jeux vidéo ou rendus 3D. Elles ne sont pas créées ex nihilo à chaque projet, mais découlent d’une logique modulaire où divers éléments de base (caractère typographique, script, son, squelette 3D, etc.) — des assets — vont être associés pour former un nouvel ensemble. Ce voisinage entre des sources existantes (sélectionnées dans le menu d’un logiciel, téléchargées, etc.) et des parties créées sur mesure caractérise, selon le théoricien des médias Lev Manovich, la « création assistée par ordinateur » :

« [Cette coexistence de sources hétérogènes est] typique du processus de production des nouveaux médias, que l’objet construit soit un plan vidéo ou cinématographique, une image fixe 2D, une bande sonore, un environnement 3D ou une scène de jeu vidéo. En cours de production, certains éléments sont créés spécialement pour le projet ; les autres sont sélectionnés dans les bases de données de matériel d’archives. Une fois tous les éléments obtenus, on les compose en un seul objet, c’est-à-dire qu’on les adapte et ajuste les uns aux autres de manière à ce que l’identité de chacun devienne invisible. On dissimule le fait qu’ils proviennent de sources différentes. Il en résulte une image, un son, un espace ou une scène unique et homogène 22 Lev Manovich, Le Langage des nouveaux médias [1999], Dijon, Les Presses du réel, 2001, p. 266.. »

À la façon dont l’iconographie propre à l’histoire de l’art implique un savoir spécifique lié à l’identification des sources visuelles et à leur circulation, l’étude des productions numériques gagnerait à remonter à l’échelle des assets — ce qui ne va pas sans poser problème en raison de leur provenance hétérogène. De plus, déterminer l’origine des modules préexistants (ceux qui ne sont pas créés sur mesure) à un objet numérique est d’autant plus difficile quand ce dernier est éloigné dans le temps. Cette méthode d’analyse a cependant comme intérêt de déconstruire le double mythe d’une création totalement originale ou parfaitement automatisée : elle renseigne sur la culture visuelle et matérielle des environnements numériques qui façonnent notre quotidien.

Déconstruire les jeux vidéodes années 1990

Parmi les objets numériques dont l’étude des conditions de production reste à affiner, ceux des années 1990 présentent un intérêt particulier. À cette époque, le Web grand public est encore balbutiant et les logiciels de publication assistée par ordinateur (PAO) prennent leur envol. En déplaçant le pré carré des professionnels du design, les logiciels de création des années 1980 et 1990 (par exemp…